L'art-Thérapie : Késako?

Ce qu’il faut savoir sur la profession d’art-thérapeute:

Les vertus thérapeutiques de la pratique artistique ne sont plus à démontrer. Dessiner, peindre, colorier, sculpter… Toutes ces activités ont un effet apaisant et ressourçant : BREF ça fait du bien ! « Mais comment passe-t-on de l’art bien-être à l’art qui soigne ? »

En art-thérapie il existe plusieurs méthodes, différentes écoles et de nombreuses approches de la profession.

Pour faire simple, il y a autant de pratique d’art-thérapie que d’art-thérapeutes. Je vous présente ici ma lecture personnelle de l’art-thérapie.

L’art-thérapie encore peu connue du grand public, est comme toutes les nouvelles pratiques d’accompagnement alternatif, une profession non réglementée (au même titre que l’éducation spécialisée en libérale). Cela signifie qu’elle n’est pas reconnue par l’Etat et que le cadre légal pour faire ce métier n’existe pas pour le moment.

Certains centres de formation en art-thérapie ont une reconnaissance RNCP (Répertoires Nationales des Certifications Professionnelles). La reconnaissance RNCP est gage de la qualité d’une formation. Mais il ne s’agit que de démarches administratives que font ou non les écoles et cela ne procure pas davantage de légitimité aux professionnels.

Finalement pour être art-thérapeute, il n’y a pas d’obligation réglementaire de posséder un diplôme ou une certification. Néanmoins, s’assurer que le professionnel a bien suivi un cursus de formation est essentiel afin d’être bien accompagné. Ceci est donc un élément qui doit attirer votre attention lors de la recherche d’un praticien en art thérapie.

L’art-thérapie c’est quoi ?

Ce qui fait « thérapie » c’est la RELATION qui se créée entre l’actant¹, la production et le thérapeute. Sans cette interaction entre ces trois parties, l’art n’est qu’un support et non un médiateur.

En Art-thérapie l’art devient un moyen de communication entre soi et le monde mais également entre soi et son monde interne.

Le processus thérapeutique vise une « réparation » individuelle afin de pouvoir trouver et intégrer sa place dans la société.

Ainsi en Art-thérapie, nous travaillons autour de trois axes principaux :

L’EXPRESSION – LA RELATION – LA COMMUNICATION

La première phase du processus est donc d’établir sur quel axe la personne a besoin de travailler. Une fois cela déterminé, la relation thérapeutique peut s’engager et le processus peut démarrer.

« Mais dessiner on peut le faire seul chez soi ? Alors à quoi sert l’art-thérapeute ? »

L’art-thérapeute c’est le regard neutre, le tiers, celui qui aide à mettre en mots l’histoire qui se dessine au fil des séances.

En aucun cas l’art-thérapeute interprète les productions. Il existe bien évidemment des symboles universels, des lectures similaires d’une production à une autre, mais l’interprétation est basée sur la subjectivité d’un sujet. L’art-thérapeute se doit d’être objectif et rationnel. Il se base donc sur des faits et se positionne davantage comme un analyste qui cherche en même temps que l’actant à reconstituer un puzzle .

Pour cela il observe la personne dans sa globalité : discours, gestuelle, posture, capacité artistique, humeur, distance avec la production … .

Ce sont tous ces éléments qui, au fil des séances, vont donner des indications factuelles au thérapeute afin que celui-ci puisse accompagner le processus de transformation de l’actant.

Ainsi, c’est avec grande conviction que j’affirme que l’Art-Thérapie n’est pas une pratique que l’on peut effectuer seul. Aussi conscient que l’on puisse être de nos propres difficultés, il est impensable de pouvoir se dégager complètement de nos affects qui perturbent nos capacités objectives d’analyse. De plus, le thérapeute a pour mission d’accompagner l’actant en terre inconnue, dans la partie inconsciente de sa psyché (terra incognita). Des zones psychiques dans lesquelles il est difficile de s’y rendre seul.

L’art-thérapie ? Mais pour qui ?

L’art-thérapie utilise le moyen d’expression le plus archaïque de l’humanité : le dessin.

« Tout le monde peut dessiner »

Il ne s’agit pas de parler de technique, ni de plasticité² mais bien d’avoir la capacité de laisser une trace dans la matière.

Pour se faire, nous avons donc besoin de cette dite matière et….de notre corps !!! À partir de ce postulat, nous pouvons signifier que l’art-thérapie est accessible à tous. Qu’importe l’âge, le handicap, les capacités motrices ou cognitives, ou bien le niveau artistique.

C’est bien beau la théorie mais, en pratique, ça donne quoi?

Quiconque n’a jamais expérimenté l’art-thérapie ne peut imaginer la « puissance » du processus. Ce sont même généralement les plus sceptiques qui en ressortent le plus bouleversé. La question récurrente : « En quoi faire un dessin peut m’aider? »

Une question basée sur des idées reçues dont il me semble important de parler.

« Je dessine ce que je veux »

Je le rappelle pour dessiner nous avons besoin d’un support et de notre corps… Vous constaterez que je ne parle pas du cerveau.

Alors comment ça marche?

Lorsque que vous voulez dessiner quelque chose, vous vous représentez d’abord une image mentale ou vous choisissez un modèle à recopier. Puis à l’aide de votre cerveau, vous allez essayer de reproduire cette image. Si l’image que vous reproduisez ne correspond pas à l’image de départ c’est pour deux raisons :

– L’image de départ est déformée par le cerveau qui transmet donc une fausse information à votre main qui dessine.

– Vous dessinez avec votre main, donc votre corps. Celui-ci est le messager de votre inconscient. Il vous transmet ce que vous ne pouvez ou ne voulez pas voir sous forme de maladie, de douleur et autres symptômes physiques. Mais lorsque vous dessinez, peignez ou sculptez, le corps se saisit de ce moment pour vous transmettre des informations tout droit venues de votre inconscient.

« Je ne sais pas dessiner ! »

Il peut en effet être difficile de maîtriser les techniques de dessin pour diverses raisons, mais, nous l’avons vu plus haut, tout le monde peut réaliser une trace.

J’ajouterais simplement qu’il est finalement plus difficile pour les plasticiens de faire de l’art thérapie. En effet la technique , gérée par le cerveau, prend alors le pas sur le corps donc sur la capacité à lâcher prise. Ce qui peut freiner la remontée des informations inconscientes. Cela ne veut pas dire que les personnes ayant un bagage artistique ne peuvent pas faire de l’art thérapie, seulement qu’une étape autour de se lâcher prise sera nécessaire.

« C’est pour les enfants ! »

La plupart des problèmes rencontrés par les adultes ne sont-ils pas en lien direct avec l’enfance ? Alors se réconcilier avec son « enfant intérieur » ne serait-il pas le point de départ pour aller vers un mieux-être ?

Présentation de cas concrets d’art-thérapie

cerbere — ***Le Cerbère de A. ou l’expression d’un déni.***

A. est un jeune adolescent avec un trouble psychique (trouble de la personnalité) qu’il n’accepte pas et dont il ne veux pas parler.

Je lui propose lors d’une séance de représenter un animal légendaire.

Il choisit le Cerbère, un animal à plusieurs têtes. Il identifie clairement le rôle de chacune des têtes : » le juge, le gardien téméraire et un deuxième gardien ».

A. explique que ce cerbère est le gardien de son cœur et finit par dire que cette créature c’est lui. À travers cette production, sans la nommer A. a pu parler de sa pathologie qui pèse sur son quotidien.

M. ne vit plus avec ses parents. Son histoire familiale est ponctuée de violence et de non-dits… Il ne va plus à l’école et ne peut pas verbaliser sa souffrance. Il se présente comme un enfant mutique. Je propose à M. de lire un poème de Claude Ponti , de choisir une phrase et de se représenter à partir de celle-ci…

Il choisit : » Quand tu es dragon » .

En dessinant M. raconte l’histoire de ce dragon. « Une gentille créature qui sauve son monde de deux autres dragons ennemis qui veulent tout détruire ».

Il explique que son dragon crache du feu mais qu’il ne veut pas le montrer, il sait aussi qui incarne les dragons ennemis dans sa réalité mais ne souhaite pas en parler. Puis, il demande si la prochaine fois il pourra dessiner les « méchants ».

M. ne peut pas mettre de mots sur ce qui lui pèse, mais à travers les histoires que racontent ses dessins, peu à peu, il s’ouvre et se confie.

devil 2 1 — ***Le dragon de M. ou l’expression de l’insécurité et de l’indicible.***

elephant 1 1 — ***L’éléphant de Mme P. ou l’expression d’un traumatisme.***

Mme P. a été victime d’inceste dans son enfance. Elle peut le verbaliser, mais dans les faits, elle n’arrive pas à en parler. Ses productions sont toujours lisses et elle camoufle sa souffrance jusqu’à l’émergence de « l’éléphant » !

Un exercice de lâcher prise sans consigne autre que de laisser son corps s’exprimer à travers l’argile.

L’éléphanteau prend forme…

On y voit une forme relativement phallique sur laquelle se dresse deux défenses. Sémantiquement, on peut entendre les mots « trompe » et « défense ».

Une production guidée entièrement par l’inconscient qui, à travers le geste, le corps, vient exprimer pour la première fois et timidement la question du traumatisme vécu dans l’enfance.

¹Actant : Terme employé pour désigner le patient en Art-thérapie par CREATECA (Centre de recherche en Art Thérapie et Communication Artistique).

²Plasticité : Maitrise des éléments plastiques (dessin, peinture, modelage…).

Rédaction : Sam Derathé (Éducatrice spécialisée et Art-thérapeute indépendante).

Mise en page : Jean-Baptiste Caire.