Voici l’histoire de la mise en place d’un atelier de langue des signes mené par un éducateur spécialisé dans un hôpital pédopsychiatrique de la région parisienne. Trois enfants autistes et psychotiques, ont eu l’opportunité d’apprendre pendant un an cette langue d’une grande richesse. Elle leur a permis d’expérimenter et d’acquérir un nouveau moyen de communication adapté à leur handicap. Découverte.
Cliniquement, la plupart des enfants autistes paraissent ne pas entendre, ou ne pas comprendre le sens des paroles. De plus, le fait de parler peut représenter pour eux une action extrêmement complexe. Comme l’expliquent Benoît Virole et Julien Bufnoir : « les fonctions empruntant le canal auditif sont altérées par des troubles neuropsychologiques ou par des expériences psychopathologiques négatives centrées sur la réception de signaux sonores ». Ces enfants sont ainsi connus pour être particulièrement sensibles à l’ensemble des voix et bruits qui les entourent. L’idée d’utiliser une langue sans substance sonore représente donc une solution adaptée pour ce public.
« La Langue des Signes Française (LSF), dont la structure linguistique est maintenant connue, utilise le canal visuel-gestuel ». Les signes, dont elle dispose, présentent en effet, un reflet visible de la réalité. Ils permettent une compréhension plus accessible et facilitent leur apprentissage grâce au souvenir visuel. De plus, « les expressions du visage, de la tristesse, de la joie et des différentes émotions de base sont considérablement amplifiées et élargies, permettant ainsi un décodage plus aisé pour des enfants ayant un trouble de la reconnaissance des affects ». Comme le souligne également Geneviève Sancho : « Ces enfants souffrent d’un déficit des compétences verbales mais excellent dans les techniques visuelles. La LSF s’avère être une solution adaptée pour leur permettre de communiquer, de développer leur pensée et de s’épanouir. ».

C’est ainsi qu’est venue l’idée pour un éducateur formé à la LSF de proposer des séances individuelles à trois enfants de son unité de soins intégratifs de longue durée. Agés de 6 à 12 ans, ils sont accueillis sous forme d’internat de semaine. Les soignants ont donc la possibilité de mettre en place de nombreux ateliers et activités dans le quotidien des enfants.
« Maxime peine à se faire comprendre correctement par oral {…} il lui arrivait spontanément d’utiliser ses mains pour tenter de se faire comprendre. »
Maxime sera le premier à rejoindre l’atelier « Signe Avec Moi » qui semble être particulièrement adapté à son profil. Il est âgé de 8 ans, et présente des troubles autistiques avec de grosses difficultés à articuler. Malgré de nombreux efforts pour communiquer, Maxime peine à se faire comprendre correctement par oral. Avant la création de cet atelier, il lui arrivait spontanément d’utiliser ses mains pour tenter de se faire comprendre. Très doué, il parvenait très souvent à transmettre l’information à son entourage.
Une séance individuelle de 20 minutes par semaine lui a donc été proposée sur toute l’année scolaire. Première victoire, Maxime a accepté de venir à la première séance sans aucun signe d’opposition. La salle choisie est à l’écart de l’unité de vie, elle est composée uniquement d’un bureau, de deux chaises et du matériel nécessaire : pictogrammes, horloge « timer », quelques jeux et des aliments pré-sélectionnés. Dès le début de l’atelier, le professionnel décide de n’utiliser que la langue des signes pour communiquer. Le but est de surprendre l’enfant, tout en lui proposant un cadre silencieux qui permet de l’apaiser et de capter au maximum son attention.
« Dès la première séance, de nombreux échanges ont lieu et Maxime paraît sensible à ce nouveau mode de communication. »
Maxime montre tout de suite une grande réactivité : il est très attentif aux mouvements des signes et tente immédiatement de reproduire les gestes de l’adulte. Dès la première séance, de nombreux échanges ont lieu et Maxime paraît sensible à ce nouveau mode de communication. Il ne tente pas de parler et se concentre uniquement sur les mains de l’éducateur qui lui fait face. Il montre tout de même une certaine excitation corporelle, néanmoins maitrisée, témoignant de sa sensibilité pour cette nouvelle expérience.

Alphabet de la langue des signes française.
Semaine après semaine, Maxime montre un grand plaisir à participer à cet atelier. Il ne manque jamais une séance et adopte un comportement très calme, lui qui présente jusqu’ici un profil très agité et fugueur. Il apprend ici les principaux signes de vocabulaire d’une rencontre entre deux signeurs, participe à des jeux interactifs, effectue des demandes spontanées sur des choix d’aliments ou encore des échanges d’objets.
« A l’aise avec ses mains, agile avec ses doigts, il retient très bien les gestes appris d’une séance à l’autre. »
Son niveau de concentration est impressionnant, il est intéressé par les propositions et partage volontiers ce moment avec son éducateur. Ce mode de communication semble lui convenir parfaitement. A l’aise avec ses mains, agile avec ses doigts, il retient très bien les gestes appris d’une séance à l’autre. Les chiffres, les objets, les couleurs, les jours de la semaine, l’alphabet… Maxime est attiré par de nombreux sujets et les séances sont ainsi orientées vers ses centres d’intérêts qui fleurissent au quotidien et guident ses besoins. Des renforçateurs sont également utilisés comme le chocolat, le pain, le sirop pour apprendre à effectuer des demandes tout en savourant ce moment privilégié.
L’ensemble du personnel hospitalier poursuit avec Maxime ce mode de communication dans le quotidien. Il s’en saisit très bien et l’utilise de bonne manière. Soulagé d’être compris, il n’hésite pas à signer avec tous les adultes qui l’entourent, y compris ses proches lorsqu’il rentre au domicile le week-end. Des vidéos des séances sont transmises à la famille pour leur permettre d’apprendre à leur tour les principaux signes du quotidien et poursuivre cette communication.
« Astucieux et créatif, il initie de plus en plus d’échanges avec les adultes et les autres patients. »
À l’extérieur de l’institution, Maxime est également suivi par une orthophoniste qui utilise la méthode « Makaton » qui regroupe geste, parole et pictogramme. Ces deux prises en charge, soutenues par des temps scolaires réguliers au sein de l’hôpital, semblent lui permettre de faire des liens qui prennent sens dans son quotidien. Astucieux et créatif, il initie de plus en plus d’échanges avec les adultes et les autres patients.
Après un an d’atelier, le vocabulaire signé de Maxime est conséquent. Les bénéfices sont visibles au jour le jour : son ouverture vers l’extérieur s’est largement étendue, ses troubles du comportement se sont réduits, sa productivité dans les activités a grandi et sa curiosité s’accroît. Le bilan est extrêmement satisfaisant pour lui.
Fin de la première partie.
Rédaction et mise en page : Jean-Baptiste Caire.
¹ B. Virole, J. Bufnoir « Utilisation thérapeutique de la langue des signes avec des enfants autistes non sourds », 1er mars 2007 https://studylibfr.com/doc/2529485/langue-des-signes-et-autisme. Ces écrits ont inspiré l’introduction de cet article.
² B. Virole, J. Bufnoir, op. cit.
³ B. Virole, J. Bufnoir, op. cit.
⁴ Geneviève Sancho « La langue des signes française au service des personnes avec autisme », De Boeck éd., 2015, 128p.
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